Un été chez les Vikings

Au pays des Vikings, peuple de marins, sauvageons et racailles des mers froides ô combien célèbres, sur ces terres du froid et des fjords, des Trolls et des églises en bois debout, chez les Saoudiens de l’Europe, tout près du cap Nord, fait-on du vélo ? Le vélo rime-t-il avec Oslo autant que la pédale avec notre chère capitale ? De nombreuses informations égrenées sur le web nous ont rapidement emballés et nous avons décidé d’y passer trois semaines à la fin de l’été 2005, avec Nathalie, pour cette nouvelle aventure à six roues.

Nordagutu, deux minutes d’arrêt ! Nous avons à peine le temps de rejoindre en courant la queue du train que nos montures sont déjà sur le quai : quelle efficacité à la NSB ! Soyons honnêtes, de telles situations ne se renouvelleront pas systématiquement. Les trains sont très bien aménagés (équivalent TGV en plus luxueux) et pourvus d’un fourgon équipé de harnais pour bien fixer nos vélos. Nous immortalisons notre passage dans cette gare totalement paumée, car c’est ici que commence véritablement notre voyage, après un court passage à Oslo. De magnifiques nuages blancs tapissent le ciel, le paysage est vallonné, la végétation bien verte et l’air d’une grande pureté. Le décor est posé pour cette boucle qui va nous emmener durant trois semaines dans le sud du pays : Kristiandsand – Stavanger – Bergen – Flam et retour par Oslo. Pour ce faire, nous alternerons le vélo avec des transferts en ferry et train. Notre premier camping, ce soir-là, nous convient tout à fait. Sur une pelouse d’un vert intense, au profil légèrement vallonné, une tente et quatre camping-cars se sont éparpillés sur quelques hectares. Nous n’avons que l’embarras du choix près d’un grand lac paisible (Seljord). Une fois les tentes plantées, nous nous activons pour préparer notre dîner et testons pour la première fois nos nouveaux réchauds Superfly compatibles avec tous types de bouteilles. Il est utile de savoir que l’on ne trouve pas de bouteilles Campingaz sur ces terres nordiques. Le lendemain, en reprenant notre route le long du lac, nous découvrons une des spécificités des paysages norvégiens : quantité de hyttes (chalets de villégiature) disséminés au bord du lac et dans les parties boisées. En règle générale, ils se ressemblent tous, sont de forme sobre et ont des couleurs qui les dissimulent au mieux dans la végétation. Et ce soir-là, nous décidons de tester une de ces cabanes. L’élue possède un charme… très kitch avec sur la façade une tête de renne sculptée sur bois, des trolls au regard hideux trônent sur la table tandis qu’un placard est richement décoré d’une princesse accompagnée d’un chien blanc tout droit sortis d’un conte de fées. Avant de se prendre une journée de repos pour une descente du canal du Télémark en bateau, nous poursuivons notre route vers Dalen (extrémité de cette voie navigable) avec une portion VTC importante. Nous croisons d’ailleurs quelques cyclistes dont une famille avec une carriole, formation très classique chez les Scandinaves et qui heureusement se popularise en France. Le cyclisme se pratique beaucoup en famille, et parfois trois générations sont représentées. La dernière semaine de notre séjour, nous aurons l’occasion de rencontrer sur une véloroute quantité d’enfants de tous âges et enchantés de pédaler avec leurs parents. Après une journée de piste, un pique-nique sous l’eau, notre dose quotidienne d’ascensions, nous dînons dans un très bel hôtel, le Dalen Hôtel, au bord du lac de Vradal, dans nos tenues très chics. Bâti en 1894, il est d’une architecture inspirée par celle des chalets suisses et d’une taille imposante. Après une nouvelle nuit sous la tente, nous rejoignons très tôt les bords du lac pour dix heures de navigation sur une succession de lacs et de canaux, avec parfois cinq écluses d’affilée manœuvrées pour la plupart à la main. Nos vélos sont hélitreuillés pour être fixés sur un parcroi d’un pont élevé. Le soleil nous tient compagnie aujourd’hui et c’est l’occasion d’étaler nos tentes pour évacuer la rosée du matin, ainsi que du linge encore humide. Les heures et les paysages défilent doucement et nous apprécions cette journée différente. Il est possible d’alterner bateau et vélo le long du Télémark. Le lendemain, nous devons de nouveau nous lever tôt pour prendre cette fois-ci un train, différent du premier : celui-ci est pendulaire. Les wagons effectuent des mouvements de balancier à droite et à gauche dans les virages sous l’effet de la force centrifuge. Nous nous sommes sentis comme dans un manège durant 2 h 30, et arrivés à destination, nous avions l’estomac à l’envers.

Une semaine s’est écoulée depuis notre arrivée, nous sommes à Kristiandsand, pointe sud du pays où le temps est très doux. Nous déjeunons en terrasse sous le soleil dans le Fishmarket, quartier tramé par des canaux. Le glacier du coin a un succès fou, et je suis épaté de manger une glace aussi haute : chocolat, yaourt aux fruits des bois. Nous avions programmé de passer la nuit ici, et finalement nous repartons pour retrouver la nature. L’ambiance est loin d’être désagréable, mais nous commençons à devenir un peu sauvages. La véloroute que nous empruntons en direction de l’ouest est un régal avec de très beaux aménagements, ponts et tunnels spécifiques, et la sortie de la banlieue se fait ainsi dans d’excellentes conditions. En chemin, nous faisons une halte chez un apiculteur et c’est l’occasion de parler d’un autre de nos hobbies : fleurs, pollen, durée de la saison, technique de vente, qualité des abeilles locales… Finalement, nous repartons avec un joli pot de 700 g… Notre route ce jour-là s’achève dans la marina d’un village sans aucun aménagement pour campeurs. Nous nous installons dans un petit jardin et un des villageois nous offre de l’eau pour préparer nos repas. C’est une occasion idéale pour tester nos plats préparés lyophilisés. Un peu d’eau chaude, et en trois minutes mes pâtes tomate-mozzarella sont prêtes. C’est très loin de ce que me prépare Tony (Ah les petits resto italiens !), mais c’est bien mieux que les crevettes en tube, le fromage marron au goût de caramel ou le hareng mariné. L’endroit est très calme, la vue sur le fjord bien agréable et nous passons, encore une fois, une douce nuit. Le surlendemain, nous découvrons, après une nuit bien arrosée, que notre tente prend l’eau. Au bout d’une semaine, elle ne sert plus à rien, sauf à lester nos vélos. À Lyndal, nous croisons à nouveau deux apiculteurs. Nous passons une partie de la journée avec eux et faisons la découverte de ruches en polystyrène. Ce matériau possède des qualités d’isolant fort appréciées sous des longitudes aussi élevées et donc très froides en hiver : il y va de la survie des essaims. Les six jours suivants, nous retrouvons la vie de citadins avec Stavanger (ville du pétrole) puis Bergen. Chacune possède un centre au bord de l’eau fort agréable pour se balader à pied. Leur défaut majeur est de se trouver à l’Ouest et donc de recevoir une grande quantité d’eau, en particulier à Bergen, toute l’année ou presque. Depuis Stavanger, de nombreuses balades en bateau sont proposées dans les fjords environnants. Il est également possible de prendre un bus qui vous dépose au pied du Prekestolen (falaise de 600 m).

À Bergen, le quartier de la ligue hanséatique est fort prisé. Dans ce ghetto du Moyen Âge, des maisons imposantes en bois ont hébergé des négociants allemands qui orchestraient le commerce du poisson et de l’huile de poisson en direction de l’Europe. Le mauvais temps à Bergen finit par entamer notre moral, et nous prenons un train pour sortir de la ville et récupérer une véloroute. Il apparaîtra après plusieurs heures passées sous la pluie que nous avons fait fausse route. Nous nous sommes engagés sur une île et pensions récupérer un bac à l’extrémité opposée. Il n’en est rien et nous aurons apprécié à sa juste valeur le bout de l’île avec ses chemins défoncés, et toujours sous la pluie. En fin de journée, un peu défaits, nous décidons de retrouver la gare que nous avions quittée le matin même. En attendant un train qui nous permettra enfin d’avancer et rejoindre l’auberge de jeunesse de Voss, nous profitons d’une petite heure pour transformer la gare en camp de réfugiés avec du linge qui sèche dans tous les coins, les brûleurs qui s’activent pour nous fournir une soupe bien chaude, et le sourire qui réapparaît sur nos lèvres. Avant de rejoindre la ville de Flam au bord du Sognefjord, nous passons une nuit dans la plus ancienne auberge de jeunesse norvégienne, à Mjofoell. Elle est un peu perdue en montagne et possède un charme fou. Ici se termine la route carrossable, et le lendemain nous prenons une piste qui nous mène à la gare de Upsette dans un coin très sauvage. La voie de chemin de fer est le seul moyen qui permette de passer dans la vallée voisine et rejoindre la gare de Myrdal. Nous montons dans un train bondé de randonneurs. Pour rejoindre Flam au niveau de la mer, une belle descente de 800 m de dénivelé nous attend avec une première portion VTT que nous faisons en partie à pied car trop technique avec nos montures si bien chargées. Sur cette portion, nous croisons un extraterrestre qui monte les 15 à 20 % assis sur sa selle. Plus bas, nous retrouvons un couple rencontré trois jours plus tôt à Bergen. Ils sont français, ce qui est rare dans le secteur, et anciens adhérents de MDB : rire général. Avec Chantal Perrez et Michel Mazet nous nous remémorons quelques souvenirs vécus avec les stars cyclotouristes de l’association et terminons la descente ensemble. À Flam, Rémy et Évelyne sont au rendez-vous pour partager quelques jours avec nous trois. Le programme est vite improvisé : croisière sur le Sognefjord, faille naturelle monumentale (180 km de long et plus de 1 000 m de profondeur) séparant presque la Norvège en deux, visites d’églises en bois debout (architecture traditionnelle viking, bois enduit de goudron et têtes de dragons), traversée en voiture du tunnel routier le plus long au monde (24 km).

 

À quatre jours de notre retour, nous enfourchons nos destriers pour la dernière partie de notre périple, une des plus surprenantes et intéressantes. Le train nous emmène jusqu’à la gare de Myrdal afin d’éviter les 300 derniers mètres de dénivelé pour extraterrestres, et nous voici sur la Rallarvegen (Old Navvy Road), voie réalisée au début du XXe siècle pour acheminer le matériel nécessaire à la réalisation de la voie de chemin de fer entre Oslo et Bergen. Cette piste est dédiée au vélo depuis le milieu des années 1970 et elle est fort empruntée. Malgré le profil très accidenté, nous croisons quelques vélos couchés, des attelages avec carriole. Nous croiserons même une famille fêtant ainsi les 70 ans du grand-père avec trois générations représentées ! Pas de doute, les descendants des Vikings sont sportifs et adorent la nature. Un détail important avant de s’y aventurer ; elle n’est praticable que six à huit semaines par an car la neige est de retour début septembre. Alors que le point le plus élevé se trouve à 1 341 m, nous avons dû traverser plusieurs névés de grande taille en plein mois d’août. En cours d’ascension, nous entrons pour quelques kilomètres dans un brouillard compact. Bien que nous rations de magnifiques vues, une ambiance mystérieuse est au rendez-vous : plus un vélo, la nature est silencieuse et nous nous concentrons sur la piste pour éviter une sortie de piste. Au moment où le brouillard redouble d’intensité, nous entrons dans Finse. Nous avons juste le temps d’admirer deux magnifiques locomotives, des tunneliers aux dents acérées. Nous nous installons dans une auberge accueillant jusqu’à 150 personnes. Ce ne sont quasiment que des randonneurs, attirés par le Blue Mountain, un glacier situé à 2 h 30 de marche, qui se sont invités. Le lendemain matin, nous allons bien sûr rendre visite à ce géant bleu avant de reprendre la route sous un soleil radieux. En fin de parcours, nous croisons nombre de vététistes partant à l’assaut de cette voie réservée à la petite reine.

Une dernière nuit auprès de la nature et nous nous apprêtons à rejoindre la charmante ville d’Oslo. Une surprise nous attend en gare d’Haugastol. Le train ayant un retard très important, un taxi se gare sur le quai pour embarquer les voyageurs dans son mini car. Il tracte un mini van qui permet de charger nos vélos et tous les bagages ! Dix kilomètres plus loin, nous prenons place dans un car, les vélos en soute : une telle organisation nous laisse cois. Quelques heures plus tard, nous retrouvons notre point de départ, la gare ferroviaire d’Oslo. Nos amis, Rodolphe et Marie, sont absents ce soir. Aussi nous plantons nos tentes dans leur jardin. À l’écart du centre, la presqu’île de Bygdoy est un site où l’on trouve des villas magnifiques au bord du fjord, des troupeaux de vaches, des pistes cyclables. Elle porte aussi le nom d’île des Musées : Vikings et quelques magnifiques drakkars ; le Folk regroupant sur plusieurs hectares de jardin et bois des exemples de l’habitat traditionnel norvégien ; le Fram, navire autour duquel on a posé des murs et un toit afin de raconter ses expéditions aux abords du pôle Nord. Oslo offre de nombreuses possibilités de balades à vélo avec des aménagements bien conçus.

À quelques heures de notre retour, les nuages ont déserté le ciel en ce 15 août : farniente au bord du fjord et dégustation de crevettes fraîches. Pour rejoindre l’aéroport, nous prenons comme à l’aller un train, conçu naturellement pour recevoir des vélos. Nous avons l’occasion de tester les emballages vélo KLM au design très bien pensé : un système de pré-découpe et de pliage permet de réaliser une boîte sans adhésif. Nous repartons enchantés de notre séjour et de nos multiples découvertes. C’est toujours un plaisir de rouler dans ces pays scandinaves où le vélo a réussi à s’imposer, malgré une météo beaucoup moins clémente qu’en France. Il existe toutefois un frein à ne pas négliger qui est le coût de la vie avec en particulier le prix de la nourriture. Aussi, il faut s’attendre à manger chichement durant un tel séjour.

 

Quelques infos complémentaires :

– Cycling Norway : http://www.cyclingnorway.no/en/

Comme vous l’aurez compris la Norvège est très montagneuse et rarement plate, même le long des côtes. Celles-ci sont très découpées, et on peut par conséquent se trouver piégé par les distances. Pour traverser les montagnes, de nombreux tunnels ont été construits, mais beaucoup sont interdits aux vélos. Aussi, il est important de bien préparer votre parcours. Sur le site de Bike Norway, vous trouverez toute la matière nécessaire. Le site donne de nombreuses infos pour 14 parcours (distances, profils, carte, tourisme, hébergement, transports…). Vous pouvez également commander à distance des guides très bien conçus.

– Train : http://www.nsb.no/internet/en/index.jhtml

Il est possible de télécharger des tableaux des horaires.

– Réchaud SUPERFLY (MSR) : Ils sont compatibles Campingaz, Coleman, Primus, MSR et Markill et très légers. On en trouve au Vieux Campeur. http://www.au-vieux-campeur.fr/

– les plats en lyophilisé vendus au Vieux Campeur. Un conseil, testez-en quelques-uns avant pour faire votre sélection.

– infos touristiques sur le Télémark : www.visittelemark.com

– Le Dalen Hôtel : http://www.dalenhotel.no/en/ 

Quelques idées de tarifs : Auberge de jeunesse : 250 Kr par pers. (30 €) Camping : 40 Kr (5 €) 1 pain : 27 Kr Musée Viking : 40 Kr Bateau sur le Telemark : 545 Kr (70 €)

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