Cathare et Minervois

Du 15 au 23 mai, Benoît proposait une virée dans le Sud, de Toulouse à Perpignan avec au programme : Canal du Midi, les Montagnes Noires, le Minervois, Les Corbières, les châteaux du Pays Cathare, Carcassonne. Vous avez loupé le coche ? Alors suivez le guide.

Cette fin de journée a un goût plutôt amer. Nous remontons la rue de la Roquette alors que nous devrions être en train de quitter Paris. Nous rongeons notre frein. Pourtant Toulouse nous attend et avec elle les châteaux du Pays Cathare, les vignes du Minervois et les gorges des Corbières. Tout est prêt pour que commence une nouvelle aventure avec nos vélos chargés au maximum. Mais ce soir les trains ont décidé de ne pas rouler. Faux départ. Il se peut que demain matin…

Nous n’avons fait qu’effleurer le grand amour de Claude Nougaro. C’est vrai qu’elle est belle cette ville rose traversée par la Garonne et le canal du Midi. Le long de ce dernier, nous avons pris la direction de la Méditerranée. Le colza est en fleur depuis peu, le miel commence à couler dans les ruches, et avec Estelle, nous commençons à rouler. Dix jours de découvertes à vélo nous attendent, agrémentés de surprises, de rencontres et de paysages certainement surprenants. Ces premières heures et le matin suivant sont fort pratiques. Avec un faible dénivelé, la voie le long du canal nous offre une possibilité de mise en jambes pour une reprise un peu tardive dans la saison. La piste vélo le long du canal est semble-t-il un axe important pour les cyclistes locaux, tant pour les déplacements que pour l’entraînement, un peu comme le long du canal de l’Ourcq à Paris. Ce parcours est charmant, mais rapidement, je trouve la scène un peu monotone. Seules les écluses très actives, deux colonnes de soldats au pas de l’oie et des crevaisons viendront animer cette première partie du circuit.

Le deuxième jour, nous bifurquons à Castelnaudary et prenons un cap au nord-est, direction les Montagnes Noires et le jour suivant, nous entrons dans la montagne. Nous notons une saison de différence entre certaines vallées, ce qui offre des contrastes saisissants dans ces paysages à nette dominante de feuillus : chêne, chêne vert, hêtre, marronnier. En fin de journée, nous rencontrons quelques difficultés pour nous loger. Les campings n’ouvrent que dans un mois, et de nombreux gîtes et chambres d’hôtes sont complets ce soir. De fil en aiguille, nous découvrons un site fabuleux, une ancienne manufacture royale du xviie siècle, Le Domaine de Bonde à Cuxac-Cabardès. Le dîner sera à la hauteur des lieux, une quinzaine de convives autour de la table d’hôte. La langue allemande est fortement représentée ce soir, tandis qu’un couple de la Côte dispute sans aucun souci le concours de la plus grande tchatche.

Sur la route qui nous même doucement à Castan nous sommes accueillis sous des applaudissements à l’entrée d’un village. Ils sont nombreux (une centaine ?) ces randonneurs, et comme les années précédentes, ils sont partis de Mazamet le matin pour parcourir le chemin qui permettait aux Mazamétains d’acheter des oignons à Labastide-Esparbairenque. Nous sommes accueillis comme des rois, et le déjeuner nous est offert par des connaissances d’amis mazamétains.

Depuis le début du séjour, le temps se réchauffe, et c’est donc sous le soleil que nous attaquons le lendemain le pic de Nore avec un sommet à 1 200 m. Le col est jaune, tapissé de jonquilles fraîchement ouvertes. Un peu plus tard, nous apprenons, chez mes amis Blain à Mazamet, que ce col était sous la neige dix jours plus tôt.

De retour à Castan, nous retrouvons des cyclistes partis de Paris deux jours après nous : Benoît, Claude, Sabine et Yves. Les retrouvailles sont très sympathiques et nos passons un peu de temps à nous raconter nos expériences respectives. Sabine adore l’eau, et toutes les occasions sont bonnes pour prendre contact avec l’élément liquide. Ainsi, des gamins ayant perdu leur ballon au milieu d’un cours d’eau, Sabine allie l’utile à l’agréable, profite d’un bain de pieds prolongé et sauve le ballon. A Minerve, tout le monde est sur la ligne de départ, excepté Sabine. Elle explore la Cesse, cours d’eau qui passe sous le village, 100 mètres plus bas, au cœur de gorges blanches impressionnantes et magnifiques. Le village a beaucoup de charme, encadré par ces formations géologiques et les vignes du Minervois.

Après une nuit à Carcassonne, nous sommes rejoints par des troupes fraîches pour attaquer les Corbières, prendre d’assaut quelques châteaux cathares et en découdre avec les cols multiples. Bruno ne s’est pas réveillé à temps ce matin-là et avait déjà parcouru 35 km à vélo avant de nous rejoindre, étant descendu du train à la gare suivante. Le reste de l’équipe, les deux sœurs Claudine et Marilyne, Patrick et Sylvie étaient à l’heure au rendez-vous. Nous croisons encore des sites magnifiques durant cette nouvelle journée et le plus beau sera pour la fin avec la traversée de nouvelles gorges qui nous mènent au château de Pech Latt, belle demeure de vignerons où nous nous posons pour la nuit. Près des vignes, nous improvisons un dîner. La température baisse, l’ambiance est joyeuse. Et pourtant le meilleur est à venir avec la soirée suivante au gîte de Caunette Haute. Le dîner est prévu dehors, mais le ciel est très instable, un bel orage de montagne file droit sur nous. Après avoir fait un sort à une excellente soupe aux orties, nous déménageons les tables et bancs sous une grange afin de poursuivre ce petit festin. Ici, les animaux sont rois avec neuf chats, deux chiens, des vaches et des chevaux. Aussi, lors d’un tel déménagement, il est naturel que l’un des chats profite de l’occasion pour suivre le voyage sur l’une des tables. Une fois que nous sommes attablés de nouveau face à des pièces de steaks maison cuisinées au barbecue, une scène théâtrale se met en place. La lumière est assurée par quelques bougies qui rappellent quelque peu les feux de la rampe. Par l’odeur alléchés, des spectateurs à quatre patte viennent nous rejoindre. Un chien implore un geste de compassion à chacun de nous. Les chats deviennent très affectueux, Claude se met à miauler lorsqu’ils l’approchent de trop près et ces derniers soufflent sur les chiens. Une infanterie d’escargots réveillés par l’orage quittent la sous-face de la table et font surface à la droite de Claude. Bruno se méfie des griffes des chats. Claude, expert dans le comique de répétition, donne à nos hôtes un exemple de son talent, une de ses blagues maison entendue dix fois en trois jours, succès garanti. Nous prenons tous beaucoup de plaisir ce soir-là, et laissons la soirée s’étirer doucement, loin de toute civilisation, dans les Corbières.

Le surlendemain, nous nous attaquons au château de Peyrepertuse, splendide forteresse du xie-xiiie siècle, bâtie sur une falaise vertigineuse. L’ascension n’est pas simple, mais le site et la vue sur les Corbières sont grandioses. Cette journée commence fort et nous promet d’autres surprises avec une vue sur un autre château impressionnant, Queribus, accroché à un autre piton rocheux, une piste de quelques kilomètres dans la montagne à travers les vignobles, des crevaisons, du soleil, encore des gorges, un dîner de crêpes à Perpignan, un train plein à craquer de vélos, des contrôleurs aimables et fort compréhensifs.

Dimanche 23 mai, nous quittons Perpignan, et une partie du groupe reste pour poursuivre le périple encore une ou deux semaines par les Causses, et jusqu’à Clermont-Ferrand pour certains. Une fois encore, ce voyage à vélo nous a remplis d’odeurs (de pain d’épice ou de miel dans les Corbières), de couleurs, de paysages très variés, de rencontres étonnantes sur la route (un furet, une chèvre et son petit, une couleuvre, quantité de lézards, une chèvre coincée dans un grillage), d’accueils surprenants (La Bonde, Mazamet, Caunette Haute). Merci, encore merci.

 

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